Introduction

La Terre, l'air, l'eau, le feu. La présence simultanée de ces quatre éléments apparaît déja a Aristote et aux philosophes grecs du IVe siecle avant notre ere, comme la condition nécessaire au développement de la vie sur la Terre. Le progres des connaissances conforte aujourd'hui cette vision de liens étroits entre les principales composantes de l'environnement terrestre 3 Terre solide, atmosphere, océans, biosphere 3 au cours d'une évolution continue, qui conduit en plusieurs milliards d'années a l'apparition des etres vivants. Mais les conditions qui permettent le maintien de la vie sur la Terre, phénomene unique au sein du systeme solaire, restent extraordinairement fragiles. L'atmosphere est certainement le milieu le plus rapidement affecté par les perturbations des équilibres de l'environnement, qu'elles soient d'origine naturelle, comme au cours des grands cycles climatiques, ou anthropiques du fait de l'influence qu'exerce aujourd'hui l'homme sur la nature.
La présence d'une atmosphere, transparente au rayonnement solaire, confere a notre planete une couleur bleue, liée a la diffusion de la lumiere par les molécules des gaz qui composent l'air que nous respirons et encore renforcée par la présence des océans. La Terre se distingue ainsi des autres planetes du systeme solaire, et l'histoire de son atmosphere est riche d'une diversité qui, au cours des 4,5 milliards d'années qui se sont écoulées depuis la création du systeme solaire, a conduit a l'apparition de la vie. Enveloppe essentiellement gazeuse, dont le nom vient du grec a t m o s (vapeur), l'atmosphere de la Terre est extremement ténue. Sa masse ne représente que le millionieme de celle de la Terre solide. Son extension verticale reste également faible, puisque la quasi-totalité de cette masse est contenue dans les trente premiers kilometres d'altitude, soit moins de 5 pour mille du rayon de la Terre. L'atmosphere terrestre contient des constituants dont l'abondance relative se chiffre en milliemes, voire en millioniemes, de la concentration totale du gaz atmosphérique. C'est le cas notamment de la vapeur d'eau et du gaz carbonique, responsables de l'effet de serre naturel qui a permis a la surface terrestre d'atteindre une température supérieure au point de congélation de l'eau, ou de l'ozone, filtre naturel du rayonnement solaire ultraviolet. Les faibles valeurs des concentrations de ces constituants, indispensables au maintien de la vie, démontrent parfaitement la fragilité d'une atmosphere, dont l'équilibre est essentiellement déterminé par l'action conjuguée du rayonnement solaire et des émissions de gaz a la surface de la Terre, qui résultent de processus physiques, chimiques et biologiques.

Espace intermédiaire entre la surface terrestre, ou s'est développée la vie animale et végétale, et l'infini du cosmos, l'atmosphere de la Terre reste encore aujourd'hui par bien des aspects mal connue. La simple observation visuelle, depuis le sol ou l'espace, ne nous apporte que peu d'informations sur sa nature physique et chimique. L'exploration de l'atmosphere releve d'une aventure qui ne commence réellement qu'au début du XXe siecle, lorsque deviennent disponibles les premiers moyens d'investigation in situ que sont les ballons et les avions. Mais, malgré les progres rapides enregistrés au cours des dernieres décennies, liés en particulier aux observations satellitaires, qui conduisent a une vision globale de notre planete, et au développement des grands moyens de calcul, qui permettent de simuler le caractere multidimensionnel des écoulements atmosphériques, de nombreuses incertitudes demeurent dans notre compréhension d'un systeme complexe dont la variabilité naturelle couvre toutes les échelles de temps, de la fraction de seconde au million d'années, et d'espace, du millimetre au millier de kilometres. Et pourtant, la compréhension des équilibres atmosphériques devient, aujourd'hui, d'autant plus nécessaire que l'homme a entrepris, depuis pres d'un siecle, une expérience en vraie grandeur de modification de la composition chimique de la planete, influant ainsi sur les grands équilibres climatiques et, par la meme, sur l'équilibre des etres vivants.

Cet ouvrage aborde l'un des aspects de la connaissance de la haute atmosphere terrestre, lié a l'équilibre de l'ozone. Bien que cette problématique soit essentiellement centrée sur les couches supérieures de l'atmosphere, la stratosphere située entre 10 et 50 kilometres d'altitude, elle ne peut etre dissociée de la compréhension globale de l'environnement terrestre dans la multiplicité de ses composantes. C'est cette approche des problemes stratosphériques qui est privilégiée ici. La fragilité de l'équilibre de l'atmosphere terrestre est illustrée par une breve rétrospective de l'histoire de notre planete mettant en évidence le rôle de constituants tres peu abondants dans l'apparition de la vie. L'étude de l'équilibre naturel de la couche d'ozone stratosphérique permet de mieux mesurer encore cette fragilité, et d'établir le lien entre l'atmosphere, les océans et la biosphere. Celui-ci est ensuite quantifié a partir de l'étude des bilans des principaux constituants de l'atmosphere, qu'ils soient d'origine naturelle ou anthropique. L'amélioration de notre connaissance de l'atmosphere terrestre est aujourd'hui tributaire; d'une part des mesures expérimentales que permettent les moyens d'observation au sol, ou embarqués sur avion, ballon et satellite, d'autre part de l'utilisation de modeles numériques rendant compte de l'ensemble des processus dynamiques, chimiques et radiatifs qui régissent son équilibre. Une description de ces différents outils permet d'en apprécier précisément les limites. Celles-ci sont également illustrées par la découverte imprévue d'une diminution rapide de l'ozone au dessus du continent antarctique, premiere preuve expérimentale de la nature globale des problemes d'environnement et de la responsabilité de l'homme dans le déséquilibre de la stratosphere. Par les processus qu'il implique de prendre en compte, ce phénomene de grande ampleur éclaire d'un jour nouveau l'évolution potentielle de la couche d'ozone sous l'effet des activités humaines. Il montre que la prévision de cette évolution, si nécessaire soit-elle a la prise de décisions politiques et économiques, reste largement du domaine de l'incertitude scientifique. C'est pourtant de la gestion de cette incertitude qu'ont résulté les premieres mesures réglementaires jamais prises a l'échelle de la planete. En limitant, puis en supprimant a court terme, les émissions des constituants responsables de la destruction de la couche d'ozone, elles seules permettront de préserver l'équilibre de la vie sur la Terre.
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